La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 réformant notamment les règles d’acquisition de congés payés pendant une période d’arrêt de travail est entrée en vigueur le 24 avril 2024.
En pratique, ce texte soulève (encore) des questionnements et des incertitudes – raison pour laquelle nous avons décidé de vous communiquer la présente lettre d’information.
Sont désormais assimilées à du temps de travail effectif pour déterminer l’acquisition et la durée des congés payés et ce, pour l’ensemble des salariés – y compris les travailleurs temporaires (intérimaires) :
- les périodes d’arrêt de travail pour AT et pour MP sans limitation de durée (limitée à 12 mois avant la réforme) à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois – soit 30 jours ouvrables par période de référence.
- Les périodes d’arrêt de travail pour maladie (hors AT/MP) dans la limite de 2 jours ouvrables par mois, soit 24 jours ouvrables par période de référence.
Attention : si la maladie (hors AT/MP) ne couvre pas toute la période de référence (une année entière), le droit annuel à congés payés acquis sera donc supérieur à 4 semaines.
Comment calculer l’indemnité de congés payés ?
Selon la règle du 10e et conformément au nouvel article L.3141-24-1 du Code du travail, les absences hors AT ou MP donne lieu à rémunération dans la limite de 80 % de la rémunération associée à ces périodes.
En revanche, pour les AT/MP, la rémunération est prise en compte à 100 %.
Comment informer le salarié de son droit à congés payés ?
Le nouvel article L.3141-24-1 du Code du travail (d’ordre public) dispose qu’au terme d’une période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, l’employeur doit porter à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie :
- Le nombre de jours de congé dont il dispose ;
- La date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Si le salarié ne peut pas prendre (en tout ou partie) les congés payés en raison d’une suspension de son contrat de travail, les congés acquis seront reportés pendant une durée de 15 mois. Passé ce délai, ils seront définitivement perdus.
L’utilisation de l’adverbe « notamment » peut signifier que l’information portée sur le bulletin de salaire n’est pas suffisante, et que l’employeur doit informer spécifiquement le salarié dans le mois de sa reprise et se ménager la preuve de la réception (non de l’envoi) de cette information par le salarié. À défaut, le délai susmentionné de 15 mois ne court pas.
La loi du 23 avril 2024 est-elle « rétroactive » ?
D’une part, sous réserve des décisions de justice définitives ou de dispositions conventionnelles plus favorables, les nouvelles règles d’acquisition et de report des congés non pris s’appliqueraient de manière rétroactive depuis le 1er décembre 2009.
D’autre part, L’article L.3245-1 du Code du travail dispose :
« L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »
Plusieurs hypothèses se présentent :
- En théorie, les salariés dont le contrat de travail est toujours en cours pourraient solliciter leur droit à congés depuis le 1er décembre 2009. En effet, tant que le salarié n’a pas eu connaissance de son droit ou des faits permettant de l’exercer (soit tant que l’employeur ne l’a pas informé), le délai de prescription de 3 ans ne commencerait pas à courir.
Pour éviter une telle « imprescriptibilité », la loi du 24 avril 2024 (article 37) a prévu un délai de forclusion de 2 ans : « Toute action en exécution du contrat de travail ayant pour objet l’octroi de jours de congé en application dudit II doit être introduite, à peine de forclusion, dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de ladite loi. »
En pratique, les salariés en poste ne pourraient donc plus formuler cette demande après le 23 avril 2026. Passée cette date, ils seraient forclos, c’est-à-dire que leur action en justice ne serait plus recevable.
- Pour les salariés dont le contrat est déjà rompu au moment l’entrée en vigueur de la réforme : la loi ne prévoit rien, contrairement à l’avis du Conseil d’État du 11 mars 2024 ; de sorte que l’application de la prescription de droit commun (trois ans conformément à l’article L.3245-1 du Code du travail) serait applicable.
Enfin, les salariés dont le contrat est rompu depuis plus de trois ans ne pourraient plus formuler aucune demande à ce titre conformément à l’article L.3245-1 du Code du travail.
Quelles conséquences sur vos accords collectifs ?
Nous nous permettons enfin d’attirer votre attention sur l’une des conséquences de cette réforme : tous les accords d’entreprise prévoyant des avantages fondés sur l’absentéisme en cas de maladie (notamment des primes de présentéisme, sur objectifs, etc) ou des dispositifs de proratisations en cas d’absences pour maladie sont remis en cause par cette loi.
Vos accords ne sont pas nuls ou non avenus, mais la prise en compte des absences pour cause de maladie sera neutralisée puisqu’elles sont désormais assimilées à du temps de travail effectif conformément à l’article L.3141-5 du Code du travail.